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LIVRE II.

XXXIII. Revenons aux foudres, dont la science forme trois parties : l'observation, l’interprétation, la conjuration. La première se règle sur la formule ; la seconde constitue la divination ; la troisième a pour but de rendre les dieux propices, en les suppliant d’envoyer les biens, d’écarter les maux, c’est-à-dire de confirmer leurs promesses ou de retirer leurs menaces.

XXXIV. On attribue à la foudre une vertu souveraine, parce que tout autre présage est annulé dès qu’elle intervient. Tous ceux qu’elle donne sont irrévocables, et ne peuvent être modifiés par aucun autre signe. Tout ce qu’on voit de menaçant dans les entrailles des victimes, dans le vol des oiseaux, la foudre propice l’efface ; et rien de ce que la foudre annonce n’est démenti ni par le vol des oiseaux, ni par les entrailles des victimes. Ici la doctrine me semble en défaut. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a rien de plus vrai que le vrai. Si les oiseaux ont prédit l'avenir, il est impossible que cet auspice soit neutralisé par la foudre ; ou, s’il peut l’être, ils n’ont pas prédit l’avenir. Car ici ce n’est pas l’oiseau et la foudre, ce sont deux signes de vérité que je compare ; s’ils prophétisent vrai tous les deux, l’un vaut l’autre. Si donc l’intervention de la foudre ruine les indications du sacrificateur ou de l’augure, c’est qu’on a mal inspecté les entrailles, mal observé le vol des oiseaux. Le point n’est pas de savoir lequel de ces deux signes a le plus de force et de vertu ; si tous deux ont dit vrai, sous ce rapport ils sont égaux. Que l’on dise : La flamme a plus de force que la fumée, on aura raison ; mais, comme indice du feu, la fumée vaut la flamme. Si donc on entend que chaque fois que les victimes annonceront une chose et la foudre une autre, la foudre doive obtenir plus de créance, peut-être en demeurerai-je d’accord ; mais si l’on veut que, les premiers signes ayant prédit la vérité, un coup de foudre réduise tout à néant et obtienne exclusivement foi, on a tort. Pourquoi ? Parce que peu importe le nombre des auspices, le destin est un ; si un premier auspice l’a bien interprété, un second ne le détruit pas : le destin est le même. Encore une fois, il est indifférent que ce soit le même présage ou un autre qu’on interroge, dès qu’on l’interroge sur la même chose.

XXXV. La foudre ne peut changer le destin. Comment cela ? C’est qu’elle-même fait partie du destin. À quoi donc servent les expiations et les sacrifices, si les destins sont immuables ? Permets-moi de défendre la secte rigide des philosophes qui