Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/288

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Et ce n’est là qu’un coin du tableau : que d’horreurs encore à décrire ! Deux camps ennemis dans le même peuple ; le père jurant de défendre ce que le fils a fait serment de renverser ; la patrie livrée aux flammes par la propre main de ses enfants ; les routes infestées de cavaliers qui volent par essaims à la découverte des refuges des proscrits ; les fontaines publiques empoisonnées ; la peste semée par une main barbare ; des lignes menaçantes creusées par nous-mêmes autour de nos proches ; les cachots encombrés ; l’incendie dévorant les cités entières ; des gouvernements désastreux ; la ruine des états et des citoyens tramée dans le secret des conseils : la gloire prostituée à des actes qui, sous le règne des lois, sont des crimes ; les rapts, les viols, la débauche enfin souillant même la bouche de l’homme.

IX. Ajoutez les parjures publics des nations, la violation des pactes les plus saints ; la force faisant sa proie de tout ce qui ne peut résister ; puis les captations odieuses, les vols, les fraudes, les dénégations de dépôts, tous crimes pour lesquels nos trois forums ne suffisent pas. Ou veut que le sage s’indigne en proportion de l’énormité des forfaits ! Mais ce ne sera plus de l’indignation, ce sera du délire. Mieux vaut se dire : L’erreur ne mérite pas tant de courroux. Que penserait-on de celui qu’indigneraient les faux pas de son compagnon dans les ténèbres ; la surdité d’un esclave qui n’entendrait pas l’ordre du maître ; la distraction d’un autre qui oublierait sa tâche pour considérer les amusements et les insipides jeux de ses camarades ? Se fâche-t-on contre les gens atteints de maladie, de vieillesse, de fatigue ? Entre autres infirmités de notre nature