Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/296

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les dompte bien vite, ces germes du vrai courage dégénèrent en audace et en témérité.

Mais ne voit-on pas aussi aux caractères doux s’allier des défauts qui leur sont analogues, comme la pitié, l’amour, la honte ? Je signalerais plus d’un bon naturel par ces imperfections mêmes, lesquelles toutefois, pour être l’indice d’un caractère estimable, n’en sont pas moins des imperfections. Quant à ces peuples, dont l’humeur sauvage fait seule l’indépendance, ils sont, de même que les lions et les loups, aussi incapables de souffrir le joug que de l’imposer. Ce n’est pas chez eux que se trouve la force qui distingue le génie humain : je n’y vois qu’un instinct farouche et intraitable ; or, qui ne sait pas obéir, ne sait pas commander.

XVI. Aussi l’empire a presque toujours appartenu aux peuples des régions tempérées ; chez ceux qui inclinent vers les climats glacés du septentrion, vous ne trouvez que d’âpres caractères, vraie image de leur ciel, comme dit un poète.

« Mais, ajoute-t-on, les animaux les plus irascibles passent pour les plus généreux ! » Quelle erreur de nous comparer des êtres qui ne possèdent qu’une furie aveugle au lieu de la raison, noble mobile de l’homme ! Cette furie d’ailleurs n’est point chez les bêtes l’arme universelle. Si le lion a pour auxiliaire son courroux, le cerf a l’instinct de la peur, le vautour, son vol impétueux, la colombe, sa fuite rapide. Mais encore, il n’est pas même vrai que les races les plus irascibles soient les meilleures. J’accorderai volontiers que parmi les bêtes féroces, qui ne vivent que de leur proie, les plus avantageusement douées sont celles dont la rage est la plus ardente ; mais je louerai dans le bœuf sa patience, dans le cheval, sa docilité. Qui donc vous fait ravaler