Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/299

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

où bat le cœur de l’homme est le foyer de la chaleur vitale. Chez les lymphatiques, la colère croît par degrés : la chaleur en eux n’est pas toute prête ; ils ne la doivent qu’au mouvement. Voilà pourquoi, faible dans son début, le dépit des enfants et des femmes a plus de vivacité que de force. Dans l’âge où la fibre est plus sèche, nos transports sont véhéments, soutenus, mais ne s’élèvent pas, et ne font guère de progrès : une chaleur déjà amortie ne peut tendre qu’à se refroidir. Les vieillards sont grincheux et difficiles, tout comme les malades, les convalescents et ceux dont la chaleur s’est épuisée par la fatigue ou des pertes de sang. Il en est de même des hommes que la soif ou la faim aiguillonnent, et chez lesquels une maigre subsistance appauvrit le sang et fait défaillir les organes. Le vin enflamme la colère ; car il accroît, suivant la nature de chacun, la chaleur du tempérament.

XX. Des hommes s’emportent dans l’ivresse *** ; il en est qui s’emportent d’eux-mêmes, comme si le vin leur frappait le cerveau. Il n’y a pas d’autre cause de l’extrême irascibilité de ceux qui ont les cheveux roux ou le visage coloré, et qui ont naturellement le teint que la colère donne aux autres ; trop de mobilité agite leur sang. Mais si la nature produit des caractères irritables, mille causes accidentelles ont, pour produire cet effet, le même pouvoir que la nature. C’est tantôt la maladie, une altération d’organes, tantôt le travail, des veilles continues, des nuits inquiètes, l’ambition, l’amour ; que sais-je ? tous les poisons du corps et de l’âme disposent l’esprit souffrant à devenir querelleur. Mais il n’y a là encore que des germes, des occasions de colère, la cause toute puissante, c’est l’habitude : une fois invétérée, elle alimente le mal. Changer le