Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/322

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LIVRE TROISIÈME

I. Maintenant, mon cher Novatus, nous allons essayer de faire ce dont vous êtes le plus curieux, nous allons dire comment on extirpe la colère, ou du moins comment on y met un frein et on en réprime les transports. Quelquefois on doit l’attaquer de front et ouvertement, quand la faiblesse du mal s’y prête ; souvent il faut des voies détournées, si son ardeur, trop violente, s’exaspère et croît par les obstacles. Il importe d’apprécier et sa force et si elle n’en a rien perdu ; s’il faut la combattre à outrance, la refouler, ou céder aux premiers chocs du torrent qui pourrait emporter ses digues. On devra se déterminer, d’après le caractère de l’homme irrité. Il en est que désarme la prière ; chez d’autres la soumission redouble l’insolence et l’emportement. On apaise ceux-ci par la crainte ; pour ceux-là, les reproches, un aveu franc ou la honte sont d’infaillibles calmants ; ou enfin c’est le délai, remède bien lent pour cette fougueuse passion, et le dernier dont il faille user ; car les autres affections peuvent attendre, et leur traitement se différer ; celle-ci, impétueuse, emportée par elle-même comme par un tourbillon, n’avance point pas à pas : elle naît avec toutes ses forces. Elle ne sollicite point l’âme, comme les autres vices, elle l’entraîne, et jette hors de lui-même l’homme qui a soif de nuire, dût le mal retomber sur lui ; elle se rue à la fois sur ce qu’elle poursuit et sur tout ce que le hasard offre à sa rage. Les autres passions