I. Maintenant, mon cher Novatus, nous allons essayer de faire ce dont vous êtes le plus curieux, nous allons dire comment on extirpe la colère, ou du moins comment on y met un frein et on en réprime les transports. Quelquefois on doit l’attaquer de front et ouvertement, quand la faiblesse du mal s’y prête ; souvent il faut des voies détournées, si son ardeur, trop violente, s’exaspère et croît par les obstacles. Il importe d’apprécier et sa force et si elle n’en a rien perdu ; s’il faut la combattre à outrance, la refouler, ou céder aux premiers chocs du torrent qui pourrait emporter ses digues. On devra se déterminer, d’après le caractère de l’homme irrité. Il en est que désarme la prière ; chez d’autres la soumission redouble l’insolence et l’emportement. On apaise ceux-ci par la crainte ; pour ceux-là, les reproches, un aveu franc ou la honte sont d’infaillibles calmants ; ou enfin c’est le délai, remède bien lent pour cette fougueuse passion, et le dernier dont il faille user ; car les autres affections peuvent attendre, et leur traitement se différer ; celle-ci, impétueuse, emportée par elle-même comme par un tourbillon, n’avance point pas à pas : elle naît avec toutes ses forces. Elle ne sollicite point l’âme, comme les autres vices, elle l’entraîne, et jette hors de lui-même l’homme qui a soif de nuire, dût le mal retomber sur lui ; elle se rue à la fois sur ce qu’elle poursuit et sur tout ce que le hasard offre à sa rage. Les autres passions