Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/331

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breux, ou d’entreprises au-dessus de notre faiblesse. On s’accommode facilement d’une charge légère que l’on peut faire passer de l’une à l’autre épaule sans la laisser tomber ; mais celle que des mains étrangères nous imposent, et que nous avons peine à porter, échappe après quelques pas à nos forces vaincues : nous avons beau nous raidir sous le faix, on nous voit chanceler, et tout trahit notre impuissance.

VII. Pareille chose arrive, sachez-le bien, dans les transactions civiles et domestiques. Les affaires simples et expéditives vont d’elles-mêmes ; les affaires graves et au-dessus de notre portée ne se laissent point aisément saisir : elles surchargent et entraînent ; on se croit près de les embrasser, on tombe avec elles, et souvent tout notre zèle s’épuise en vain, lorsqu’au lieu d’entreprendre des choses vraiment faciles, on veut trouver facile ce qu’on a entrepris.

Avant d’agir, mesurez bien vos forces aux obstacles, et vos moyens au but ; car le regret d’une entreprise manquée vous causera du dépit. La différence entre une âme bouillante et une âme froide et sans énergie, c’est que le défaut de réussite produit la colère dans l’une, dans l’autre l’abattement. Que nos entreprises ne soient ni mesquines, ni téméraires, ni coupables ; bornons à notre voisinage l’horizon de nos espérances ; point de ces tentatives dont la réussite serait pour nous-mêmes un motif d’étonnement.

VIII. Mettons nos soins à prévenir l’injure que nous ne saurions supporter. Ne lions commerce qu’avec les gens les plus pacifiques, les plus doux, et qui ne soient ni difficiles, ni chagrins ; car on prend les mœurs de ceux avec qui l’on vit ; et