Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/343

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Le poison, la corde, le poignard t’ouvrent autant d’issues pour fuir l’esclavage. Mais ces ressources que je te montre sont peut-être pénibles pour toi ; elles exigent trop de cœur et de force. Tu demandes une voie plus douce vers la liberté ? Elle est dans chaque veine de ton corps.

XVI. Tant que rien ne nous semble assez intolérable pour nous faire répudier la vie, sachons en toute situation repousser la colère. Elle est fatale à qui sert sous un maître : l’indignation ne peut qu’accroître ses tourments ; et plus on les souffre avec impatience, plus l’esclavage est accablant. L’animal qui se débat dans le piège le resserre davantage ; l’oiseau ne fait qu’étendre sur son plumage la glu dont il travaille à se dépêtrer. Un joug, si étroit qu’il puisse être, blesse moins une tête soumise qu’une tête rebelle, et l’unique allégement des plus vives peines consiste à les supporter, à obéir aux nécessités de sa position.

Mais s’il est utile aux sujets de contenir leurs passions, et notamment la colère, comme la plus furieuse, la plus indomptable de toutes, il l’est plus encore aux rois. Tout est perdu, quand tout ce que dicte la colère, la fortune le permet ; et le pouvoir qui s’exerce aux dépens d’une foule d’opprimés ne saurait tenir longtemps ; il touche à sa chute aussitôt que ceux qui souffrent séparément sont ralliés par un péril commun. Aussi que de tyrans immolés, soit par un seul homme, soit par tout un peuple qu’ont réuni sous le même drapeau des ressentiments universels ! Et combien pourtant se sont livrés à la colère comme à l’exercice d’un privilège royal ! Témoin Darius, qui, après que le sceptre eut été enlevé au Mage, fut le