Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/369

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liment aux murènes. Révolté d’une si étrange barbarie, César donne la liberté à l’esclave, fait briser sous ses yeux tous les cristaux et combler le vivier. C’était là corriger un ami en souverain ; c’était bien user de la toute-puissance ; c’était dire : « Oses-tu ordonner, de ton lit de table, des supplices inouïs, faire déchirer des hommes par des monstres voraces ? pour un vase brisé, ton semblable aura les entrailles mises en pièces ! tu te permettras de l’envoyer à la mort en présence de César ! »

XLI. Êtes-vous assez puissant pour foudroyer la colère du haut de votre supériorité ? Traitez-la sans pitié, mais seulement quand elle se montre, comme ici, impitoyable, féroce, sanguinaire ; il n’y a de remède alors que l’ascendant de la force et de la terreur.

Où puiserons-nous la paix de l’âme ? Dans la constante méditation des préceptes de la sagesse, dans la pratique du bien, dans l’unique passion de l’honnête où doivent tendre toutes nos pensées. C’est à nos consciences qu’il faut satisfaire, sans jamais travailler pour la renommée : acceptons-la, fût-elle mauvaise, pourvu que nous la méritions bonne. « Mais le peuple n’admire que les actes énergiques : l’audace est en honneur, le calme passe pour apathie. » Oui, peut-être au premier aspect ; mais lorsque ensuite une conduite soutenue démontre que ce prétendu manque de courage n’est autre chose que la paix de l’âme, ce même peuple vous accorde toute son estime et sa vénération.

Nous savons que, loin d’être jamais utile, la colère, hostile et farouche, traîne avec. elle tous les fléaux, le fer, la flamme ; qu’on l’a vue fouler aux pieds toute pudeur, souil-