Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/385

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la nomme tranquillité ; car il n’est point nécessaire de copier le mot grec et de le reproduire d’après son étymologie : la chose dont nous parlons doit être désignée par un mot qui ait la force du grec, et non sa forme. Nous cherchons donc à découvrir comment l’âme, marchant toujours d’un pas égal et sûr, peut être en paix avec elle-même, contempler avec joie dans un contentement que rien n’interrompe les biens qui lui sont propres, se maintenir toujours dans un état paisible, sans jamais s’élever ni s’abaisser. Telle est, selon moi, la tranquillité. Comment peut-on l’acquérir ? c’est ce que nous allons chercher d’une manière générale ; et ce sera un spécifique universel dont vous prendrez la dose que vous voudrez. En attendant nous allons mettre à découvert tous les symptômes du mal, afin que chacun puisse reconnaître sa part. Alors, du premier coup d’œil, vous comprendrez que, pour guérir ce dégoût de vous-même qui vous obsède, vous avez bien moins à faire que ceux qui, enchaînés à l’enseigne ambitieuse d’une fausse sagesse, et travaillés d’un mal qu’ils décorent d’un titre imposant, persistent dans ce rôle affecté, plutôt par mauvaise honte, que par leur volonté.

Dans la même classe, il faut ranger et ceux qui, victimes de leur légèreté d’esprit, en butte à l’ennui, à un perpétuel changement d’humeur, regrettent toujours l’objet qu’ils ont rejeté, et ceux qui languissent dans la paresse et dans l’inertie. Ajoutez-y ceux qui, tout à fait semblables à l’homme dont le sommeil fuit la paupière, se retournent, et se couchent tantôt sur un côté, tantôt sur un autre, jusqu’à ce que la lassitude leur fasse enfin trouver le repos : à force de refaire d’un jour à l’autre leur façon de vivre, ils s’arrêtent enfin à celle où les a surpris, non point le dégoût du changement, mais la vieillesse trop paresseuse pour innover. Ajoutez-y enfin ceux qui ne