Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/415

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de la tempête ! Est-elle assez digne de l’immortalité, cette âme qui, dans ce fatal passage, cherche un moyen de connaître la vérité ; qui, placée sur l’extrême limite de la vie, interroge son dernier souffle qui s’exhale, et ne veut pas seulement étudier jusqu’à la mort, mais dans la mort même ! Personne n’a jamais philosophé plus longtemps. Mais il ne faut pas quitter brusquement un si grand homme, à qui l’on ne saurait accorder trop d’estime et trop de louanges. Oui, nous te recommanderons à la postérité la plus reculée, illustre victime, dont la mort tient une si grande place parmi les forfaits de Caligula.

XV. Mais rien ne servirait de s’être mis à l’abri de tous les motifs personnels de tristesse, si parfois la misanthropie s’emparait de votre âme, en voyant le crime partout heureux, la candeur si rare, l’innocence si peu connue, la bonne foi si négligée quand elle est sans profit, les gains et les prodigalités de la débauche également odieux ; enfin, l’ambition si effrénée que, se méconnaissant elle-même, elle cherche son éclat dans la bassesse. Alors une sombre nuit environne notre âme, et dans cet anéantissement des vertus impossibles à trouver chez les autres, et nuisibles à celui qui les a, elle se remplit de doute et d’obscurité.

Pour nous détourner de ces idées, faisons en sorte que les vices des hommes ne nous paraissent pas odieux, mais ridicules ; et sachons imiter Démocrite plutôt qu’Héraclite. Le premier ne se montrait jamais en public sans pleurer ; le second, sans rire. L’un, dans tout ce que font les hommes, ne voyait que misère ; le second, qu’ineptie. Il faut donc attacher peu d’importance à toutes choses, et ne nous passionner pour aucune. Il est plus conforme à l’humanité de se moquer des