Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/418

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pleurerais Hercule, qui se brûle tout vif ; Regulus, percé de mille pointes aiguës ; Caton, rouvrant lui-même ses plaies ? Ils ont échangé un court espace de temps contre une vie qui ne finira jamais, la mort a été pour eux un passage à l’immortalité.

XVII. Il est une autre source assez féconde d’inquiétudes et de soins, c’est de se contrefaire, de ne jamais montrer un visage naturel, comme nous voyons maintes gens dont toute la vie n’est que feinte et dissimulation. Quel tourment que cette perpétuelle attention sur soi-même, et cette crainte d’être aperçu sous un aspect différent de celui sous lequel on se montre d’habitude ! Point de relâche pour celui qui s’imagine qu’on ne le regarde jamais qu’avec l’intention de le juger. En effet, maintes circonstances viennent, malgré nous, nous démasquer. Dût cette surveillance sur soi-même avoir tout le succès qu’on en attend, quel agrément, quelle sécurité peut-il y avoir dans une vie qui se passe tout entière sous le masque ?

Au contraire, combien est semée de jouissances une simplicité vraie, qui n’a pas d’autre ornement qu’elle-même, et qui ne jette aucun voile sur ses mœurs ! Toutefois cette manière de vivre encourt le mépris, si elle se montre sur tous les points trop à découvert : car les hommes admirent peu ce qu’ils voient de trop près. Mais ce n’est point la vertu qui court le danger de perdre de son prix en se montrant aux regards ; mieux vaut être méprisé pour sa candeur, que continuellement tourmenté du soin de dissimuler.

Il faut, à cet égard, un juste milieu ; car il est bien différent de vivre simplement ou avec trop d’abandon. Il est bon de se retirer souvent en soi-même ; la fréquentation des gens qui ne