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A LUCILIUS. — XCIV.

driez pas obtenir. » Il nous arrive en effet quelquefois de solliciter instamment ce que nous refuserions, si on nous l’offrait. Que cette faute provienne de légèreté ou d’une basse flatterie, « me facile promesse doit en être le châtiment. Nous faisons semblant de vouloir beaucoup de choses que nous ne voulons pas. Un auteur apporte une histoire, écrite fort menu, et très-étroitement pliée ; il en lit une grande partie, puis il nous dit : — « Je cesserai, si bon vous semble. » — « Continuez, continuez, » s’écrient ceux qui voudraient le voir de venir soudainement muet. Souvent nous voulons une chose, et nous « en demandons une autre, nous mentons même aux dieux ; mais ils ne nous exaucent pas, ou bien ils ont pitié de nous.

Pour moi, je veux me venger sans pitié ; je vous assommerai d’une épître énorme. Si vous la lisez à regret, dite3-vous : C’est ma faute ; puis comparez-vous à ces maris que tourmente une épouse qu’ils ont tout fait pour obtenir ; ou à ces avares que rendent malheureux des richesses acquises par les plus pénibles travaux ; ou à ces ambitieux pour qui des honneurs achetés au prix de tant d’intrigues et de vils moyens sont devenus un supplice ; en un mot, à tout homme qui a obtenu les maux qu’il désirait.

Mais laissons cet exorde et entrons en matière : — « Le bonheur, dit-on, se fonde sur des actions vertueuses ; les préceptes conduisent aux actions vertueuses : donc les préceptes suffisent au bonheur. » — Pourtant les préceptes ne conduisent aux actions vertueuses qu’autant que l’esprit s’y montre docile : quand il est assiégé d’opinions erronées, l’effet des préceptes est nul. De plus, si l’on fait bien, c’est sans le