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Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/117

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Grâce à elle, ce n’est plus un supplice d’être né ; grâce à elle, les menaces du sort ne m’abattront point, et mon âme, franche de ses atteintes, restera maîtresse d’elle-même ; j’ai un port où me réfugier. Je vois chez les tyrans des croix de plus d’une espèce, variées à leur fantaisie : l’un suspend ses victimes la tête en bas ; l’autre leur traverse le corps d’un pieu qui va du tronc à la bouche, d’autres leur étendent les bras à une potence ; je vois leurs chevalets, leurs verges sanglantes, leurs instruments de torture pour mes membres, pour chacune des articulations de mon corps ; mais là aussi je vois la mort. Plus loin, ce sont des ennemis couverts de sang, des citoyens impitoyables ; mais à côté d’eux je vois la mort. La servitude cesse d’être dure, quand l’esclave, dégoûté du maître, n’a qu’un pas à faire pour se voir libre. Contre les misères de la vie, j’ai la mort pour recours.

Songez combien il est heureux de mourir à propos, et à combien d’hommes il en a coûté d’avoir trop vécu ! Si Cn. Pompée, l’honneur et la colonne de l’État, eût été enlevé au monde lors de sa maladie à Naples, il fût mort sans contredit le premier citoyen de la république. De quel comble de gloire l’ont précipité quelques années de plus ! Il a vu tailler en pièces ses légions, dont le sénat formait la première ligne, et dont les débris durent être si malheureux de voir leur chef leur survivre. Il a vu le sicaire d’un tyran égyptien ; il a présenté au vil satellite une tête respectée du vainqueur lui- même. Au reste, il eût eu la vie sauve, qu’il se fût repenti de l’avoir acceptée : quelle honte pour Pompée, de devoir la vie à la générosité d’un roi !

Et Cicéron, si, alors qu’il sut détourner les poignards de