quel long espace de temps dont vous n’avez rien perdu ! Votre fils ne s’est jamais éloigné de vos yeux : c’est sous vos yeux que l’étude a formé cet esprit supérieur qui eût égalé son aïeul, si la modestie, qui arrêta tant d’heureux progrès, n’eût imposé aux siens le silence. Jeune, et d’une beauté peu commune, parmi cette multitude de femmes qui cherchent à séduire notre sexe, il ne se prêta aux espérances d’aucune ; et l’immodestie de quelques-unes ayant été jusqu’à lui faire des avances, il rougit, comme d’une faute, d’avoir plu. Cette pureté de mœurs le fit juger digne du sacerdoce dès l’adolescence : le suffrage maternel l’appuyait sans doute ; mais le crédit même de sa mère ne devait prévaloir que pour un candidat méritant.
Que votre fils renaisse à vos yeux dans la contemplation de ses vertus : il vous semblera que maintenant il se communique plus librement à vous. Les devoirs humains ne l’arrachent plus à sa mère : plus de sollicitudes, plus de chagrins à ressentir pour lui. Toutes les douleurs que pouvait vous causer cette âme vertueuse, vous les avez épuisées : tout écueil est franchi ; il ne vous reste qu’une satisfaction sans mélange, si vous savez jouir d’un tel fils, si vous savez reconnaître ce qu’il y avait en lui de plus précieux. Ce n’est point lui que la mort a frappé, mais son image, et une image bien imparfaite. Désormais immortel, il est en possession d’un état meilleur : débarrassé d’un fardeau étranger, il est tout à lui-même. Ces os que vous voyez enveloppés de muscles, cette peau qui les recouvre, ce visage, ces mains, ministres du corps, et enfin toute l’enveloppe humaine, ne sont pour l’âme qu’entraves et ténèbres.