Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/149

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ce ne sont pas là les funérailles de Claude ? Et en effet, le convoi était magnifique ; on n’y avait rien épargné pour la dépense, et vous n’auriez pas manqué de reconnaître qu’on faisait les obsèques d’un dieu. En joueurs de flûtes, cornets à bouquins et autres instruments d’airain, il y avait telle affluence, telle cohue, que Claude lui-même pouvait bien les entendre. Ce n’était que joie, qu’allégresse : le peuple romain marchait gaillardement comme ayant secoué ses fers. Agathon et un bien petit nombre d’avocats versaient des larmes bien sincères, je vous assure. Les jurisconsultes sortirent enfin de leur retraite, pâles, maigres, défaits, ayant à peine un souffle, comme gens qui revenaient à la vie. Un d’entre eux, voyant les avocats baisser la tête, s’assembler et déplorer leur ruine, s’approcha et leur dit : « Je vous disais bien que les Saturnales ne dureraient pas toujours. »

Claude, ainsi témoin de ses funérailles, comprit qu’il était mort. Car on chantait à tue-tête un chant de deuil en vers anapestes.

O cris ! o perte ! o à douleurs !
De nos funèbres clameurs
Faisons retentir la place :
Que chacun se contre-fasse ;
Crions d’un commun accord,
Ciel ! ce grand homme est donc mort !
Il est donc mort ce grand homme !
Hélas ! vous savez tous comme,
Sous la force de son bras,
Il mit tout le monde à bas.
Fallait-il vaincre à la course ;
Fallait-il, jusque sous l’Ourse,
Des Bretons presque ignorés,
Du Cauce aux cheveux dorés
Mettre l’orgueil à la chaîne,
Et sous la hache romaine
Faire trembler l’Océan ?
Fallait-il en moins d’un an
Dompter le Parthe rebelle ?
Fallait-il d’un bras fidèle
Bander l’arc, lancer des traits
Sur des ennemis défaits,