Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/162

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ne désire une honorable épreuve, qui ne soit prêt à sacrifier sa sûreté à son devoir ? Pour peu qu’on ait d’énergie, ne regardera-t-on pas l’inaction comme un supplice ? Nous voyons l’athlète qui veut entretenir ses forces, choisir les adversaires les plus robustes, demander à ceux avec qui il se prépare au combat, de déployer contre lui toute leur vigueur ; il endure les coups, les plus rudes étreintes, et, s’il ne trouve personne qui l’égale, il fait tête à plusieurs à la fois. Le courage se flétrit quand il manque d’adversaire ; sa grandeur, sa force, sa puissance ne se montrent que dans l’épreuve de la douleur.

Ainsi se comporte l’homme de bien ; il ne craint pas le malheur et la peine ; il ne murmure pas contre le destin : quoi qu’il arrive, il s’en accommode, et le tourne à son profit. Le mal n’est rien, la manière de le supporter est tout. Voyez quelle différence il y a entre l’amour d’un père et celui d’une mère pour leurs enfants. Le premier ordonne qu’on les réveille de bon matin pour qu’ils s’appliquent à l’étude ; il ne les laisse pas oisifs même les jours fériés, il fait couler leur sueur et quelquefois leurs larmes. La mère, au contraire, les tient sous son aile, leur épargne le poids du jour ; elle veut qu’ils ne pleurent jamais, qu’on ne les chagrine pas, qu’on écarte d’eux la fatigue. Dieu a pour l’homme de bien les sentiments d’un père, une mâle affection. « Qu’il lutte contre les douleurs et contre les infortunes, dit-il, c’est ainsi qu’il acquerra la véritable force. » Les animaux qu’on engraisse s’énervent par l’inaction ; loin qu’ils supportent la moindre fatigue, le mouvement seul, leur propre poids les accablent. Un bonheur qui n’a jamais été troublé succombe au premier