Aller au contenu

Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/288

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ont été insensés de n’avoir point vécu. Que seulement, ils réchappent de cette maladie, comme ils vivront dans le repos ! Alors, reconnaissant la vanité de leurs efforts pour se procurer des biens dont ils ne devaient pas jouir, ils voient combien tous leurs travaux furent impuissants et stériles !

(2) Mais pour celui qui l’a passée loin de toute affaire, combien la vie n’est-elle pas longue ! rien n’en est sacrifié, ni prodigué à l’un et à l’autre ; rien n’en est livré à la fortune, perdu par négligence, retranché par prodigalité ; rien n’en demeure superflu. Tous ses moments sont, pour ainsi dire, placés à intérêt. Quelque courte qu’elle soit, elle est plus que suffisante ; et aussi, lorsque le dernier jour arrivera, le sage n’hésitera pas à marcher vers la mort d’un pas assuré.

Chapitre XII.

(1) Vous me demanderez, peut-être, quels sont les hommes que j’appelle occupés ? Ce nom, ne croyez pas que je le donne seulement à ceux qui ne sortent des tribunaux que lorsque les chiens viennent les en chasser ; ni à ceux que vous voyez honorablement étouffés, par la multitude de leurs courtisans, on foulés avec mépris par les clients des autres ; ni à ceux que d’obséquieux devoirs arrachent de leurs maisons pour aller se presser à la porte des grands ; ni à ceux à qui la baguette du préteur adjuge un profit infâme, et qui sera pour eux quelque jour comme un chancre dévorant.

(2) Il est des hommes dont le loisir même est affairé : à la campagne, dans leur lit, au milieu de la solitude, quoique éloignés du reste des hommes, ils sont insupportables à eux-mêmes. La vie de certaines gens ne peut être appelée une vie oisive, c’est une activité paresseuse. Appelez-vous oisif celui qui, avec une attention inquiète, s’occupe à ranger symétriquement des vases de Corinthe, que la folle