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Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/416

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DES BIENFAITS, LIV. I.

honneur. Est-ce un bienfait, lorsqu’on rougit d’en avouer l’auteur ? Mais combien la reconnaissance est plus agréable, comme elle se grave plus profondément dans le cœur, et pour ne jamais s’effacer, quand elle se donne au bienfaiteur, plutôt qu’au bienfait lui-même î « Il y a des gens, disait Crispus Passienus, dont j’aime mieux l’estime que les bienfaits ; il y en a d’autres dont j’aime mieux les bienfaits que l’estime : par exemple, ajoutait-il, je préférerais l’estime d’Auguste, mais j’aimerais mieux les bienfaits de Claude. » Quant à moi, je pense que nous ne devons pas désirer les bienfaits de ceux dont nous dédaignons l’estime. Eh quoi ! fallait-il donc refuser les présents de Claude ? Non, sans doute ; mais on ne devait les recevoir que comme ceux de la Fortune, qui d’un instant à l’autre peut devenir notre ennemie. Pourquoi donc séparer deux choses si essentiellement liées entre elles ? Un bienfait cesse de l’être, lorsqu’on en ôte ce qui en fait le mérite, le discernement. L’or prodigué sans jugement et sans bienveillance, ne mérite pas plus le nom de bienfait qu’un trésor trouvé par hasard. Il y a de ces choses qu’on peut recevoir, mais qui n’obligent pas à la reconnaissance. pudet ? At illaquanto gratiora sunt, quantoque in partem interiorem animi nunquam exitura descendunt, quum détectant cogitantem magis, a quo, quam quid acceperis ! Crispus Passienus solebat dicere, quorumdam se judicium malle, quam beneficium ; quorumdam beneficium malle, quam judicium ; et subjiciebat exempla : Malo, aiebat, divi Augusti judicium ; malo Claudii beneficium. » Ego vero nullius puto expetendum esse beneficium, cujus vite judicium est. Quid ergo ? Non erat accipiendum a Claudio quod dabatur ? Erat : sed sicut a Fortuna, quam scires statim posse malam fieri. Quid ergo ista inter se mixta dividimus ?

Non est beneficium, cui deest pars optima, datum esse judicio. Alioquin 

pecunia ingens si non ratione, nec recta voluntate donata est, non magis beneficium est, quam thésaurus. Mulla sunt autem, quæ oportet accipere, nec debere.

FIN DU LIVRE PREMIER DES BIENFAITS ET DU TOME TROISIÈME. 5icm°