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Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/45

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trager ses préfets, cette province, où ceux même qui évitèrent les fautes, ne purent échapper aux traits malins, admira votre sœur comme un modèle unique de vertu ; et, ce qui était encore plus difficile pour elle, malgré son goût pour les sarcasmes même qui ne sont pas sans péril, elle réprima entièrement la malignité de ses discours. Aujourd’hui même encore, l’Égypte souhaite une femme semblable, quoiqu’elle n’ose l’espérer. C’eût été beaucoup d’avoir, pendant seize ans, mérité l’estime de cette province ; c’est encore plus d’en avoir été ignorée. Je ne vous rapporte pas ces détails pour célébrer ses louanges : ce serait les affaiblir que de les esquisser si rapidement ; mais pour vous faire sentir la grandeur d’âme d’une femme que ni l’ambition, ni la cupidité, fléaux inséparables de la puissance, n’ont pu corrompre ; d’une femme que la crainte de la mort, à la vue de son vaisseau désarmé et d’un naufrage inévitable, n’a pas empêchée de s’attacher au corps de son époux, moins attentive à se sauver elle-même, qu’à emporter ce précieux dépôt. Montrez un courage égal : arrachez votre âme à la douleur, et ne laissez pas croire que vous vous repentiez de m’avoir mis au monde.

Néanmoins, quoi que vous fassiez, comme il faut que votre pensée revienne toujours vers moi, et que maintenant aucun de vos enfants ne se présente plus fréquemment à votre souvenir, non qu’ils vous soient moins chers, mais parce qu’il est naturel de porter plus souvent la main sur la partie souffrante, voici l’idée que vous devez vous faire de moi : je suis heureux et content, tel que j’étais au sein de la prospérité ; je m’y trouve en effet, puisque mon âme, dégagée d’embarras, se livre à ses fonctions, tantôt en s’amusant d’études légères,