CONSOLATION
A POLYBE
XX... Ces grands ouvrages, comparés au corps humain, semblent solides : considérés selon les lois de cette nature qui détruit, qui rappelle toutes choses au néant dont elle les a tirées, ils sont bien frêles. Comment rien d’immortel eût-il pu sortir de nos mortelles mains ? Les sept fameuses merveilles du monde, et ce qu’a pu bâtir de plus prodigieux encore la vanité des âges suivants, tout cela un jour on le verra couché au niveau du sol. Oui, rien n’est fait pour durer toujours, presque rien pour durer longtemps ; chaque chose a son côté fragile, et si le mode de destruction varie, au demeurant tout ce qui commence doit finir. L’univers aussi, selon quelques-uns, est condamné à périr ; et ce bel ensemble qui embrasse tout ce qui est dieu comme tout ce qui est homme, un jour, s’il est permis de le croire, un jour fatal le viendra dissoudre et replonger dans la nuit du premier chaos. Osons maintenant nous lamenter sur des morts individuelles ; osons gémir sur la cendre de Carthage, de Numance, de Corinthe, de toute ville précipitée encore de plus haut, s’il se peut, quand l’univers, qui n’a pas où tomber, doit périr comme elles ! Osons nous plaindre que les destins, qui consommeront cette ruine dont la pensée fait frémir, ne nous aient pas seuls épargnés !