Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Jupiter ; que nul torrent grossi par les neiges de l’hiver ne déracine les moissons dans son cours ; plus de poisons, plus d’herbe malfaisante, aux sucs vénéneux et mortels ; plus de tyrans cruels et barbares. Si la terre cache encore dans son sein quelque monstre qui doive en sortir un jour, qu’elle se hâte ; que ce fléau paraisse, afin qu’il tombe sous la puissance de mon bras.

Mais quoi ? nous sommes au milieu du jour, et la nuit couvre le ciel. Le soleil pâlit, sans qu’aucun nuage le voile. Quelle puissance ramène le jour en arrière, et le fait rétrograder vers l’orient ? Pourquoi cette nuit profonde et inconnue ? que signifient ces étoiles qui brillent au ciel en plein midi ? le lion de Némée, dont la mort fut le premier de mes travaux, éclaire la plus belle partie du firmament ; il est tout étincelant de fureur, sa gueule s’ouvre comme pour dévorer quelque constellation ; sa tête se dresse avec menace ; le feu jaillit de ses naseaux, l’or de sa crinière fauve étincelle autour de son cou. Tous les astres qui ramènent le fertile automne, et ceux qui nous versent les frimas et les glaces de l’hiver, il va les franchir d’un bond, pour attaquer le signe du printemps, et briser la tête du Taureau.

AMPHITRYON.

D’où vient ce trouble soudain ? ô mon fils ! pourquoi porter çà et là tes yeux ardens, et quel est ce vertige qui change ainsi pour toi l’aspect du ciel ?

HERCULE.

J’ai soumis la terre, et vaincu les flots orageux ; l’enfer même a éprouvé ma puissance, le ciel seul ne la connaît pas encore : c’est une conquête digne de moi. Je vais