Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/143

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forces contre elles-mêmes, contre ces bras qui ont porté le monde. Que tes vastes gémissemens soient entendus au ciel, que la reine des enfers les entende, et qu’ils aillent frapper les oreilles du chien terrible, endormi au fond de son antre sous le poids des chaînes qui l’accablent. Que tes lugubres cris retentissent jusqu’au sein du chaos, dans l’abîme des mers profondes, et dans l’air que tu as fait résonner autrefois plus glorieusement au bruit de tes coups.


Ce n’est pas légèrement qu’il faut frapper un sein troublé par tant de remords affreux. Il faut que tes cris ébranlent à la fois le ciel, la terre et les enfers. Carquois long-temps glorieux, qu’il porte sur ses épaules comme un ornement et comme une force, et vous flèches puissantes, frappez-le donc à son tour, cet homme cruel ; que sa massue lui serve à se meurtrir lui-même, et fasse retentir à grand bruit sa poitrine coupable. Que toutes ses armes deviennent les instrumens du supplice qu’il a mérité.

Tristes enfans, qui n’aviez pu, trop jeunes, suivre les traces de votre glorieux père, ni mettre à mort les cruels tyrans ; qui n’aviez pu encore dresser vos membres aux luttes savantes de la Grèce, aux combats du ceste et du pugilat, qui du moins saviez déjà tendre l’arc léger du Scythe, et d’une flèche rapide, lancée d’une main sûre, frapper le cerf qui fuit devant le chasseur, mais non terrasser les lions à la crinière bondissante, allez, descendez vers les fleuves de l’enfer, innocentes victimes, immolées sur le seuil de la vie par la main criminelle de