Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/163

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mettre ce crime. Eh bien ! dis donc ce que tu veux. Je ne te prie de rien : la mesure de mes maux est comblée, je ne puis plus craindre. Seul tu peux encore me conserver mon fils ; mais me l’enlever, tu ne le peux pas plus qu’un autre : le moment terrible est passé pour moi. Tu ne peux rien pour mon malheur ; mon bonheur seul est encore entre tes mains. Prends un parti ; mais songe, en le prenant, aux obligations sévères et étroites que t’imposent ta vie et ta gloire : il te faut vivre ou me tuer. Mon âme défaillante, non moins accablée par le malheur qu’affaiblie par l’âge, est déjà sur mes lèvres…… Un fils peut-il hésiter ainsi à donner la vie à son père ? Je n’attendrai pas plus long-temps ; cette épée va percer mon sein : je vais mourir, et tomber ici même, par la main d’Alcide, qui aura commis ce crime de sang-froid.

HERCULE.

Pardonnez, mon père ; pardonnez, arrêtez votre main. Humilie-toi, ô mon courage, et cède à la puissance paternelle. Ajoutez ce nouvel effort à la liste de mes premiers travaux ; je vivrai. Thésée, relève mon père abattu et renversé contre terre ; ma main criminelle craindrait de faire outrage à sa pureté.

AMPHITRYON.

Cette main, je veux la baiser, ô mon fils : elle soutiendra mes pas chancelans, je la mettrai sur mon cœur malade, et je guérirai ainsi mes douleurs.

HERCULE.

Où fuir ? où me cacher ? où chercher l’oubli du tombeau ? Les eaux du Tanaïs ou du Nil, les flots impétueux du Tigre ou du Rhin, ceux du Tage qui roule