Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/179

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permets à ta faim de se satisfaire. Sous tes yeux, on boira le sang mêlé avec le vin… J’ai imaginé un repas à te faire fuir toi-même. — Arrête donc, où veux-tu courir ainsi ?

TANTALE.

À mes étangs, à mes fleuves, à mes eaux perfides, à ces fruits qui viennent jusque sur mes lèvres pour échapper toujours à ma faim dévorante. Laisse-moi rentrer dans ma triste prison, ou, si tu ne me trouves pas assez malheureux, fais-moi changer de fleuve ; plonge-moi dans les eaux du Phlégéthon, dans le cercle de ses vagues de feu. Vous tous que la loi du destin soumet aux plus affreux tourmens ; vous qui, cachés sous une voûte rongée par le temps, craignez la chute d’une montagne prête à vous écraser ; vous qu’épouvantent la dent cruelle des lions et le fouet des Furies qui vous environnent ; vous qui, à demi consumés, cherchez à repousser les torches brûlantes des filles de l’enfer, écoutez la voix de Tantale qui va se hâter de vous rejoindre ; croyez-en mon expérience, et félicitez-vous de votre part de douleurs. — Quand me sera-t-il permis de fuir les vivans ?

MÉGÈRE.

Quand tu auras porté le trouble dans ta maison, allumé la guerre, inspiré la rage des combats à ces deux rois, et rempli leurs âmes de transports furieux.

TANTALE.

C’est à moi de subir des peines, mais non d’en infliger. Ainsi donc je monte sur la terre comme une vapeur funeste exhalée de ses entrailles, comme une