Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/213

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mon esprit se trouble ; je voudrais retourner en arrière, et j’avance malgré moi.

PLISTHÈNES.

Qu’est-ce ceci ? mon père ne se traîne plus qu’à pas lents ; il tourne la tête ; sa démarche devient incertaine et embarrassée.

THYESTE.

Pourquoi cette incertitude ? pourquoi délibérer si long-temps sur une question si simple ? dois-tu te fier à ce qui mérite le moins de confiance, à ton frère, à la royauté ? crains-tu des malheurs déjà surmontés, déjà rendus plus doux par l’habitude, des peines qui ont déjà porté leur fruit ? Non, tu as su trouver le bonheur dans tes disgrâces. Retourne sur tes pas, tandis que tu le peux encore, et sauve-toi de ces lieux funestes.

PLISTHÈNES.

Quelle puissance, ô mon père, vous fait fuir à l’aspect de la patrie ? Pourquoi vous refuser à tant de biens ? Le courroux de votre frère s’est apaisé ; il revient à vous, il vous donne la moitié de son royaume, rassemble les membres d’une famille divisée, et vous rend à vous-même.

THYESTE.

Tu me demandes le motif de ma crainte, je l’ignore moi-même ; je ne vois rien qui doive m’effrayer, et je tremble pourtant. Je veux avancer, mais je sens mes genoux se dérober sous moi ; et une force mystérieuse m’entraîne loin du but vers lequel je marche. Je suis comme un navire que la rame et le vent poussent vers