Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/229

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sur des créneaux. La crainte de la guerre est plus terrible que la guerre même.


Maintenant, ces jours d’alarmes sont passés : le cri terrible de la trompette a cessé de retentir, et notre ville est dans la joie d’une paix profonde. Ainsi, quand le Corus a soulevé la mer de Sicile et remué ses derniers abîmes, les gouffres de Scylla s’ébranlent avec fracas, et les matelots redoutent jusque dans le port cette mer que Charybde renvoie après l’avoir engloutie. L’affreux Cyclope se trouble lui-même dans les forges brûlantes de l’Etna, au bruit de Neptune en furie ; il tremble que la mer ne s’élève enfin jusqu’à ses fourneaux où le feu ne s’éteint jamais. Ithaque s’émeut, et Laërte craint de voir son chétif royaume englouti dans les flots.

Mais aussitôt que la fureur des vents s’est apaisée, la mer s’aplanit comme un lac tranquille ; cette étendue sur laquelle un large vaisseau n’osait se risquer avec toutes ses voiles déployées, devient une surface unie où les barques se jouent sans péril ; et l’on peut compter les poissons qui nagent dans ces mêmes eaux, tout-à-l’heure si troublées par la tempête, que les Cyclades en tremblaient sur leurs bases.

Il n’est point d’état durable sur la terre : le plaisir et la douleur se succèdent et se remplacent, mais la part du plaisir est toujours moindre. Un moment suffit pour