Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/26

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il n’est pas besoin d’aller chercher l’exemple dans Sénèque ; mais on le trouve chez lui à un degré très-remarquable. Ce défaut peut n’être pas uniquement la faute du siècle, si ces tragédies sont réellement l’ouvrage de Lucius Annéus Sénèque le Philosophe. On sait qu’il était de cette famille espagnole des Annéus, chez qui l’emphase et le mauvais goût semblent un don naturel, un privilège héréditaire. Lucain et Florus prouvent, avec lui, cette vertu du sang. De plus, il paraît certain que, même au temps d’Auguste, le langage et le ton de la tragédie n’étaient rien moins que simples et naturels. Horace parle, dans son Art poétique, des phrases ampoulées et de l’orgueil des grands mots, que Télèphe et Pélée doivent rejeter dans le malheur et à cause de leur malheur ; ce qui prouve que, dans une position plus heureuse, ils pouvaient se les permettre :

Projieit ampullas, et sesquipedalia verba.

Dans un autre endroit[1], voulant savoir si un de ses amis, dont il estime le talent, s’occupe de quelque tragédie, il demande en propres termes s’il se livre à la fureur et à l’emphase du vers tragique, an

Tragica desævit et ampullatur in arte.

Du reste, ce poète, d’un goût si pur, ne voit point, dans cette pompe et dans cette élévation du style, un défaut général de la tragédie latine. Elle pouvait être plus grandiose et plus imposante que la tragédie grecque, sans être pour cela plus mauvaise. Le génie romain le

  1. Épitres, livre I, ép. 3.