Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/263

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ATRÉE.

Ah ! croyez qu’ils sont déjà dans les bras de leur père. Ils y sont, ils y seront ; rien d’eux ne vous sera ôté ; vous voulez voir leurs visages, vous les verrez, et je les mettrai tous dans votre sein. Je vous en rassasierai, soyez tranquille ; en ce moment ils sont avec les miens, assis à table, et dans la joie d’un festin qui convient à leur âge. Mais je les ferai venir. En attendant videz cette coupe héritée de nos aïeux, et remplie d’un noble vin.

THYESTE.

Je la reçois des mains de mon frère. J’offrirai une libation aux dieux paternels et boirai le reste. Mais qu’est-ce donc ? ma main refuse d’obéir, cette coupe devient lourde et mon bras ne peut plus la soutenir. Le vin, approché de ma bouche, s’en retire, et fuit mes lèvres trompées. La table même a tressailli sur le sol ébranlé. Les flambeaux ne jettent presque plus de lumière. Le ciel, entre le jour et la nuit, semble étonné de n’avoir plus de clartés. Qu’est-ce donc ? la céleste voûte s’ébranle avec plus de force, les ténèbres s’épaississent, l’obscurité devient plus grande, la nuit se cache dans la nuit. Tous les astres ont disparu. Puissances du ciel, épargnez du moins mon frère et mes enfans. Que sur ma tête coupable s’épuise tout l’effort de la tempête. Ah ! rendez-moi mes enfans.

ATRÉE.

Je vous les rendrai, et rien au monde ne pourra vous les ravir.

THYESTE.

Quel trouble agite mes entrailles ? que sens-je trembler