Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/283

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berceau ; là où, après avoir parcouru la montagne dans sa fuite rapide, Actéon périt dévoré par ses chiens ; là où, dans l’obscurité des bois, et à travers les épaisses forêts qui couvrent la vallée, une mère excita les Bacchantes furieuses contre son fils, et, dans l’ivresse de sa joie cruelle, porta sa tête au bout de son thyrse ; là où les buissons ensanglantés montrent encore la trace du taureau de Zéthus, monstre farouche, qui emporta dans sa course, à travers les ronces meurtrières, la coupable Dircé ; j’irai vers la roche d’Ino qui élève sa tête immense au dessus des profondes mers, à l’endroit où cette malheureuse, se dérobant à la fureur criminelle de son mari, commit elle-même un crime semblable, et se précipita dans la mer pour s’y noyer avec son fils. Heureux ceux à qui un destin meilleur donna d’aussi bonnes mères ! Il est dans ces forêts un autre endroit connu de moi, et qui m’appelle. Je vais y courir d’un pas rapide. Mon pied ne prendra pas une fausse route, sans guide je saurai bien m’y rendre. Là est ma place, pourquoi tarder ? Rends-moi ma montagne, ô Cithéron, rends-moi ta vallée hospitalière, afin que vieillard je meure où j’aurais dû mourir enfant. Reprends ta victime, ô Cithéron, toujours également cruel, barbare, féroce, et impitoyable, quand tu donnes la mort, et quand tu laisses la vie ! depuis long-temps ce cadavre est à toi. Achève d’accomplir les volontés de mon père et de ma mère. Je me sens pressé de voir la fin d’un supplice depuis si long-temps commencé. Pourquoi, ma fille, m’étreindre des liens de ta cruelle tendresse ? pourquoi me retenir ? mon père m’appelle. Je viens : je viens, oh ! pardonne !… Je vois