Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/315

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rien. Il réclame le trône. Sa cause est juste au fond sans doute, mais sa manière de la défendre la rend mauvaise. Malheureuse mère ! pourquoi former des vœux ? de chaque côté, c’est un fils que je vois. Tout acte de tendresse de ma part est un outrage à ma tendresse même : les vœux que je formerai pour le bonheur de l’un de mes enfans seront pour le malheur de l’autre. Mais quoique mon amour soit égal pour tous deux, je sens que mon cœur, toujours favorable à l’infortune, se tourne du côté où se rencontrent la meilleure cause et le plus mauvais sort. La fortune rend ceux qu’elle opprime plus chers à leurs parens.

LE MESSAGER.

Ô reine, pendant que vous laissez échapper ces tristes plaintes, le temps marche, les armées sont en bataille, et les glaives nus étincèlent. La trompette résonne, et les aigles déployées donnent le signal des combats. Les sept rois disposent leurs armées en ordre de bataille. La même ardeur enflamme les enfans de Cadmus. Tous les guerriers s’ébranlent de part et d’autre et se précipitent. Voyez ce nuage épais qui cache la lumière du jour, et ces tourbillons de poussière qui s’élèvent du sol ébranlé sous les pas des chevaux et montent au ciel comme une fumée. Et même, si la terreur ne trouble point ma vue, je vois briller les drapeaux ennemis. Le nom des chefs est écrit en lettres d’or sur les étendards. Hâtez-vous donc, rétablissez l’amour entre ces deux frères, la paix entre tous ; mère, jetez-vous entre vos deux fils, et faites tomber les armes impies dont ils veulent se combattre.