Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/355

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repasse jamais ; il s’est rendu le complice d’un amour furieux, pour arracher Proserpine du trône du roi des enfers. La crainte ni la honte ne l’ont pas arrêté ; le père d’Hippolyte va chercher jusqu’au fond du Tartare la gloire du rapt et de l’adultère. Mais un autre sujet de douleur pèse bien autrement sur mon âme. Ni le repos de la nuit ni le sommeil ne peuvent dissiper mes secrètes inquiétudes. Un mal intérieur me consume ; il s’augmente et s’enflamme dans mon sein, comme le feu qui bouillonne dans les entrailles de l’Etna. Les travaux de Minerve n’ont plus de charme pour moi, la toile s’échappe de mes mains. J’oublie d’aller aux temples présenter les offrandes que j’ai vouées aux dieux, et de me joindre aux dames athéniennes pour déposer sur les autels, au milieu du silence des sacrifices, les torches discrètes des initiées, et honorer par de chastes prières et de pieuses cérémonies la déesse de la terre. J’aime à poursuivre les bêtes féroces à la course, et à lancer de mes faibles mains les flèches au fer pesant. Où t’égares-tu, ô mon âme ? quelle fureur te fait aimer l’ombre des forêts ? Je reconnais la funeste passion qui égare ma mère infortunée. Les bois sont le théâtre de nos fatales amours. Ô ma mère, combien tu me paraîs digne de pitié ! Tourmentée d’un mal funeste, tu n’as pas rougi d’aimer le chef indompté d’un troupeau sauvage. Cet objet d’un amour adultère avait le regard terrible ; il était impatient du joug, plus furieux que le reste du troupeau ; mais au moins il aimait quelque chose. Mais moi, malheureuse, quel dieu, quel Dédale pourrait trouver le moyen de sa-