Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/373

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climats brûlés par les feux du Cancer, et ceux qui, dominés par la grande Ourse du nord, ne connaissent pour habitans que des hordes vagabondes, tous sont également échauffés par l’amour. Il attise le feu brûlant des jeunes hommes, et ranime la chaleur éteinte aux cœurs glacés des vieillards ; il allume au sein des vierges des ardeurs inconnues, il force les dieux mêmes à descendre du ciel, et à venir habiter la terre sous des formes empruntées. C’est par lui qu’Apollon, devenu berger des troupeaux d’Admète, quitta sa lyre divine, et conduisit des taureaux au son de la flûte champêtre. Combien de fois le dieu qui gouverne l’Olympe et les nuages a-t-il revêtu des formes plus viles encore ? Tantôt c’est un oiseau superbe, aux blanches ailes, à la voix plus douce que celle du cygne mourant. Tantôt c’est un jeune taureau au front terrible, qui prête son dos complaisant aux jeux des jeunes filles, s’élance à travers l’humide empire de son frère, et, imitant avec les cornes de ses pieds les rames des navires, dompte les flots avec sa large poitrine, et nage en tremblant pour la douce proie qu’il emporte. Blessée par les flèches de l’Amour, la reine des nuits déserte son empire, et confie à son frère la conduite de son char brillant, qui suit un autre cours que celui du soleil. Le dieu du jour apprend à conduire les deux coursiers noirs de sa sœur, et à décrire une courbe moindre que la sienne. Cette nuit se prolongea au delà du terme ordinaire, et le jour ne se leva que bien tard à l’orient, parce que le char de la déesse des ombres avait marché plus lentement, chargé d’un