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Scène III.

PHÈDRE, HIPPOLYTE, LA NOURRICE, SERVITEURS.
PHÈDRE.

Oh ! qui me rend à la douleur, qui ranime dans mon sein le mal qui me dévore ? J’étais heureuse dans cette défaillance qui m’ôtait le sentiment de moi-même. Mais pourquoi fuir cette douce lumière qui m’est rendue ? Du courage, ô mon cœur ; il faut oser, il faut accomplir toi-même le message que tu as donné. Parlons avec assurance ; demander avec crainte, c’est provoquer le refus. Il y a long-temps que mon crime est plus qu’à moitié commis. La pudeur n’est plus de saison : c’est un amour abominable sans doute ; mais, si j’arrive au terme de mes désirs, je pourrai peut-être plus tard cacher sous des nœuds légitimes cette satisfaction criminelle. Il est des forfaits que le succès justifie. Il faut commencer. Écoutez- moi, je vous prie, un moment sans témoin ; et faites retirer votre suite.

HIPPOLYTE.

Parlez, nous sommes seuls, et personne ne peut nous en tendre.

PHÈDRE.

Les mots, prêts à sortir, s’arrêtent sur mes lèvres ; une force impérieuse m’oblige à parler, mais une force en- core plus grande m’en empêche : soyez-moi témoins ? dieux du ciel, que ce que veux, ne le veux pas.