Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/405

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entrailles, et parcourt tout mon corps comme une flamme rapide qui dévore les poutres d’un palais.

HIPPOLYTE.

C’est l’excès de votre chaste amour pour Tliésée qui vous trouble à ce point.

PHÈDRE.

Oui, cher Hippolyte, j’aime le visage de Thésée, je l’aime tel qu’il était jadis, paré des grâces de la pre- mière jeunesse ; quand un léger duvet marquait ses joues fraîches et pures , au temps où il visita la demeure terri— ble du monstre de Crête, et prit en main le fil qui devait le conduire à travers les mille détours du Labyrinthe. Qu’il était beau alorsl Un simple bandeau retenait sa chevelure, une aimable rougeur colorait ses traits blancs et délicats : des muscles vigoureux se dessinaient sur ses bras mollement arrondis ; c’était le visage de Diane que vous aimez, ou celui d’Apollon, père (le ma famille, ou plutôt c’était le vôtre, cher Hippolyte. Oui, oui, Thésée vous ressemblait quand i1 sut plaire à la fille de son ennemi. C’est ainsi qu’il portait sa noble tête ; cette beauté simple et naïve me frappe encore plus en vous ; je retrouve sur votre visage toutes les grâces de votre père, auxquelles néanmoins un certain’mélangc des traits de votre mère ajoute un air de dignité sau- vage. Vous avez dans une figure grecque la fierté d’une Amazone. Si vous aviez suivi Thésée sur la mer de Crète, c’est à vous plutôt qu’à lui que ma soeur eût donné le fil fatal. O ma soeur, ma sœur, uelle que soit la partie du ciel que tu éclaires de tes feux, je t’invo- que aujourd’hui ; notre cause est la’même ; une seule