Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/441

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LE MESSAGER.

A peine eut-il quitté la ville d’un pas rapide, que, pour rendre sa fuite encore plus prompte, il attela sur-le-champ ses superbes coursiers et prit en main les rênes de son char. Alors il se parla quelque temps à lui-même, maudit le lieu de sa naissance, prononça plusieurs fois le nom de son père, et lâcha les rênes en excitant la marche de ses coursiers. Tout-à-coup la vaste mer se soulève, monte et se dresse jusqu’au ciel. Aucun vent ne souffle sur les flots, l’air est calme et silencieux, la mer est tranquille au dehors, c’est d’elle-même qu’est sortie la tempête : jamais l’Auster n’en excita (le sem— blable dans le détroit de la Sicile, jamais le Corus ne souleva avec plus de fureur-la mer d’Ionie, dans ces tempêtes effrayantes où l’on a vu le mouvement des flots ébranler les rochers, et leur blanche écume couvrir le promontoire de Leucate. — La mer monte et se dresse comme une montagne humide, qui, chargée d’un poids monstrueux, vient se briser sur le rivage. Ce n’est point contre les vaisseaux qu’est envoyé ce fléau, c’est la terre qu’il menace. Les vagues roulent avec violence ; on ne sait quel est ce poids que la mer porte dans ses flancs, quelle terre inconnue va paraître sous le-soleil. Sans doute c’est une nouvelle Cyclade. Les rochers où s’élève le temple du dieu d’Épidaure ont disparu sous les flots, et avec eux le pic célèbre par les brigandages de Sciron, et la terre étroite que les deux mers embrassent. — Pendant que nous contemplons ce spectacle plein d’horreur, la mer fait entendre un mugissement terrible répété par les roches d’alentour. L’eau découle du