Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/45

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Gémeaux brillans, fils de Tyndare, et les enfants de Latone, dont la naissance rendit à l’île de Délos son ancienne stabilité. Ce n’était pas assez de Bacchus et de sa mère dans le séjour des dieux ; pour qu’il n’y ait aucune partie du ciel exempte de cette profanation, la couronne d’Ariadne y trouve aussi sa place.

Mais ce sont là d’anciens outrages. Combien de fois la malheureuse Thèbes, féconde en femmes adultères et impies, n’a-t-elle pas donné à mon époux des enfans dont je n’étais que la marâtre ! Que la mère d’Alcide monte au ciel, et triomphe à ma place ; que les honneurs divins soient accordés à son fils, dont la naissance prit au monde un jour tout entier, le soleil ayant dû ralentir sa marche pour obéir à Jupiter, et retenir sa lumière captive au sein des flots ; je ne resterai pas sans vengeance. Mon cœur se remplira d’une haine implacable et vivante ; point de paix entre nous, mais une guerre cruelle comme mon ressentiment. La guerre ? — Mais tous les fléaux qu’une terre ennemie peut enfanter, tout ce que l’air et les flots peuvent produire de terreurs, de monstres, de pestes, de bêtes cruelles et sauvages, il a tout soumis, tout dompté. Il triomphe et se fortifie par les dangers même. Il jouit de ma colère, et trouve dans ma haine l’élément de sa gloire. Les travaux surhumains que je lui impose ne servent qu’à prouver sa haute origine ; je suis moi-même l’ouvrière de sa renommée. Aux lieux où le soleil, éteignant ou rallumant ses feux, noircit l’Éthiopien rapproché de ces deux points extrêmes, son indomptable courage lui fait dresser des autels, et l’univers tout entier le révère comme un dieu. Les mons-