Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/47

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tres manquent à ma vengeance, et il est moins difficile à Hercule d’exécuter mes ordres, qu’à moi d’ordonner. Il reçoit mes commandemens avec joie ; et certes, que pourraient contre ce jeune et puissant guerrier les arrêts du tyran le plus barbare ? Ses armes, ce sont maintenant les monstres qu’il a redoutés et qu’il a vaincus. L’hydre de Lerne et le lion de Némée font sa force dans les combats. La terre n’est déjà plus assez grande pour lui. Il a brisé les portes du Jupiter souterrain ; il est remonté vers les vivans chargé des dépouilles opimes du roi des morts. C’est peu même d’en revenir ; il a rompu le pacte que le ciel avait fait avec les ombres. Je l’ai vu moi-même, je l’ai vu tirer le voile qui recouvre les abîmes des enfers, triompher du roi des morts, et venir étaler aux yeux de Jupiter les trophées ravis à son frère. Qui l’empêche de charger de chaînes et d’emmener captif ce dieu même, dont la puissance est égale à celle du maître des dieux ? Qui l’empêche de garder les enfers comme sa conquête, et de briser pour jamais les barrières du Styx ? Il a bien pu trouver une voie pour remonter du séjour des mânes, et profaner, en les exposant à tous les yeux, les profondeurs mystérieuses de la mort. Tout fier d’avoir brisé les portes du séjour des ombres, il triomphe de ma puissance, et traîne insolemment le chien du Ténare à travers les villes de l’Argolide : j’ai vu le jour défaillir à l’aspect de Cerbère, et le soleil trembler ; moi-même j’en ai pâli, et, à la vue des trois têtes de ce monstre vaincu, je me suis repentie de l’ordre que j’avais donné. Mais ce sont là de faibles sujets de plainte : il faut craindre pour le ciel même. Vainqueur des divinités infernales,