Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/67

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pas une voie, il s’en fera une lui-même. Oh ! reviens, cher époux, reviens, reparais vainqueur au milieu de ta famille vaincue ; remonte vers nous, et brise la prison de ténèbres qui te retient. Si l’enfer s’est refermé sur toi, si tu ne trouves point d’issue pour revenir, entr’ouvre le monde même, et laisse paraître avec toi tous les trésors que la nuit éternelle cache dans son sein. Comme on t’a vu cherchant à creuser un lit aux flots impétueux du Pénée, t’affermir sur tes pieds, et former tout à coup la profonde vallée de Tempé, d’un seul effort de ta poitrine, qui sépara violemment deux montagnes, et ouvrit une issue nouvelle au torrent de la Thessalie ; ainsi, pour remonter vers tes parens, tes enfans, ta patrie, il te faut trouver une voie, et ramener avec toi les entrailles mêmes du monde ; rends à la vie tout ce que l’action destructive du temps a plongé dans l’ombre de la mort, depuis tant de siècles ; chasse devant toi les générations éteintes qui ont bu dans les eaux du Léthé l’oubli de l’existence, et tous ces morts que la lumière du soleil effraiera. Il serait indigne de toi de ne rapporter de dépouilles que celles qu’on t’a demandées.

Mais je m’égare en des vœux insensés, ignorant le sort qui nous attend. Qui me fera voir ce jour heureux où je t’embrasserai, cher Hercule ? où je baiserai tes mains puissantes ? où je te reprocherai ta longue absence et l’oubli de ton épouse ? J’immolerai au maître des dieux cent taureaux indomptés ; j’offrirai à la déesse des moissons de secrets sacrifices ; j’irai dans la silencieuse Éleusis, avec la discrétion qu’exigent les mystères, jeter de longs flambeaux sur ses autels. Le jour où mon époux reviendra, je croirai