Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/77

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de Thèbes. Faut-il rappeler les attentats commis ou soufferts par des reines ? le double crime d’Œdipe, qui mêla en sa personne les noms d’époux, de fils, et de père ? et le camp des deux frères ennemis, et leurs deux bûchers ? la douleur a changé en pierre la superbe fille de Tantale, qui, tout insensible qu’elle est, verse encore des pleurs sur le mont Sipyle. Cadmus lui-même, dressant une crête menaçante, et obligé de fuir à travers les champs de l’Illyrie, a laissé partout sur la terre l’empreinte de ses anneaux. Voilà le sort qui t’attend ; règne au gré de ton caprice, pourvu que tu viennes un jour à subir la fatalité qui pèse sur ce royaume.

LYCUS.

Épargnez-vous ces discours pleins de fiel et de fureur ; femme d’Hercule, apprenez, par son exemple, à plier sous l’autorité des rois. Quoique je porte un sceptre conquis par mes mains victorieuses, et que je règne souverainement, sans craindre des lois qui ne résistent jamais à la puissance des armes, je veux bien descendre à me justifier en peu de mots. Votre père a succombé, vos frères ont péri dans une lutte sanglante ; mais on sait que la guerre ne connaît point de mesure, et qu’il n’est point facile de calmer ou d’éteindre la fureur du glaive une fois sorti du fourreau. Il faut du sang aux batailles. Mais il combattait, lui, pour le droit de sa couronne ; moi, par une coupable ambition ; c’est le résultat qu’il faut considérer dans ces guerres, et non la cause. Mais périsse désormais le souvenir de ce qui s’est passé. Quand le vainqueur a déposé ses armes, le vaincu doit aussi déposer sa haine. Je ne demande pas que vous fléchis-