Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/93

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leurs aïeux. Il affronte les glaces d’une mer effrayante dont les flots dorment sans bruit sur les grèves silencieuses ; mer affreuse et durcie, qui n’a point de vagues mouvantes, qui, après avoir porté des navires aux voiles enflées, présente une route solide et ferme aux Sarmates sauvages ; et qui, par une étrange révolution, suivant les époques de l’année, se courbe tantôt sous le sillon du vaisseau, tantôt sous les pas du coursier. C’est dans ces déserts que la reine des vierges belliqueuses du Thermodon, qui ceint d’un baudrier d’or ses flancs généreux, a détaché de son corps ce précieux ornement, et son bouclier, et l’écharpe qui couvrait son sein d’albâtre, pour les déposer aux pieds de son vainqueur.

Mais quel espoir te poussait dans l’abîme profond du Ténare ? quelle imprudente audace entraînait tes pas dans le sentier sans retour qui mène au sombre royaume de Proserpine ? là, point de mers dont le Notus ou le Zéphyr soulèvent les flots roulans. Là, ne brillent point les deux frères d’Hélène, astres chers aux pâles matelots. Là, croupissent les eaux noires et dormantes du fleuve infernal ; et les générations sans nombre que la mort pâle et dévorante amène sur ses bords, n’ont besoin que d’un seul nocher pour les passer toutes dans sa barque. Ah ! puisses-tu vaincre les fatales puissances de l’enfer, et braver les fuseaux des Parques impitoyables ! Déjà, quand tu portas la guerre contre Pylos, patrie du vieux Nestor, le roi des Ombres se mit en bataille contre toi, brandissant de sa main funeste une lance à trois dards. Mais il prit la fuite, légèrement blessé, et le roi de la mort craignit lui-même de mourir.