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Scène III.

ŒDIPE, LE CHŒUR, JOCASTE.
ŒDIPE.

C’en est fait, je suis content ; mon père est venge par mes mains. J’aime ces ténèbres. Quelle divinité plus propice a répandu sur ma tête ce sombre nuage , en me par- donnant tous mes crimes ? J’échappe au jour qui en fut le complice et le témoin. Cette main souillée par le par- rieide est redevenue pure, depuis que la lumière m’a abandonné. Voilà bien l’état qui convient à OEdipe.

LE CHŒUR.

Regardez , voici Jocaste qui s’avance à grands pas, fu- rieuse, égarée, dans le même état de rage et de stupeur où tomba cette mère thébaine, quand elle trancha la tête de son fils, ou quand elle s’aperçut de ce crime après l’a- voir commis. Elle hésite, elle désire tout ensemble, et n’ose parler à ce malheureux prince. Mais la douleur est plus forte que la honte, et la parole est déjà sur ses lèvres.

JOCASTE.

Comment t’appellerai-je ? mon filsij tu n’oses répondre ? tues donc mon fils, ta rougeur même le prou ve. Quelque ré— pugnance que ee nom t’inspire, parle à ta mère ; pourquoi détourner ta tête , et porter ailleurs tes orbites dévastés ?

ŒDIPE.

Qui vient m’empêcher de jouir des ténèbres mêmes ? Qui me rend ainsi la vue ? C’est ma mère, oh ! oui,