Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 2.pdf/179

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jamais inventé une pareille imposture, sans craindre l’effet d’un affreux présage de mort ? Quand on n’a rien de plus à craindre, on redoute au moins les présages. Elle a garanti par un serment la vérité de ses paroles, s’est-elle parjurée ? Mais que peut-elle craindre de plus terrible qu’un parjure ? H faut ici déployer toutes tes ressources. ô mon esprit, toutes tes ruses, tous tes moyens, montrer Ulysse tout entier. La vérité ne peut jamais se perdre. Observe ici la mère elle s’afflige, elle pleure, elle gémit, elle porte çà et là ses pas inquiets, et prête une oreille attentive à tous les sons qui la frappent. Il y a en elle plus de crainte que de douleur. C’est ici que j’ai besoin de tout mon génie. Avec toute autre mère, il me faudrait employer le langage de la douleur ; mais vous, dans votre infortune, il faut vous féliciter d’avoir perdu un fils destiné à une mort cruelle, et qu’on eût précipité du haut de la tour qui seule subsiste encore sur les débris d’Ilion.

ANDROMAQUE.

Ah ! je me sens mourir ; tout mon corps tremble et chancelle ; un froid glacial fige mon sang dans mes veines.

ULYSSE.

Elle a tremblé ! Voilà, oui, voilà l’endroit par où je dois l’attaquer. La mère s’est trahie par cet effroi il faut frapper un second coup. Allez, courez cherchez partout cet enfant caché par sa mère, ce dernier ennemi des Grecs, tirez-le de sa retraite, et l’amenez ici. C’est bien, vous le tenez, hâtez-vous de le prendre et de le faire sortir. Pourquoi vous retourner ? pourquoi trembler ainsi ?

Pourquoi vous retourner ? Vous savez bien qu’il est mort.