Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 2.pdf/263

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craindre de ses ennemis : car Acaste, roi de Thessalie, cherche à vous faire périr en punition de vos crimes ; il poursuit contre vous la vengeance de son père, ce vieillard chargé d’années dont les membres ont été mis en pièces par ses propres filles, égarées dans leur amour filial, et poussées à ce forfait par vos cruels artifices. En séparant sa cause de la vôtre, Jason peut se justifier ; le sang de Pélias n’a point souillé ses mains innocentes ; il ne s’est point armé du fer ; il s’est gardé pur de ce qui s’est fait en votre présence. Malheureuse ouvrière des crimes les plus odieux, qui avez pour les concevoir la méchanceté d’une femme, et l’audace d’un homme pour les exécuter, et qui craignez si peu la honte qui s’attache aux actions infâmes, partez, délivrez ce pays de votre présence ; emportez avec vous vos funestes poisons, dissipez nos craintes ; allez ailleurs fatiguer les dieux de vos noirs sacrifices.

Médée

Vous me forcez de partir ? eh bien ! rendez-moi le navire qui m’a portée ici ; rendez-moi le compagnon de ma fuite. Pourquoi me contraindre à partir seule ? je ne suis pas venue seule, pourtant. Si vous craignez d’avoir une guerre à soutenir, chassez-nous tous les deux. Pourquoi cette distinction entre deux coupables ? C’est pour lui seul que j’ai tué Pélias, non pour moi. Ainsi, de ma fuite, de mon larcin, de mon père trahi, de mon frère mis en pièces, tous ces crimes qu’un mari peut inspirer à de nouvelles épouses ne sont point mon ouvrage. Je les ai commis tous, il est vrai, mais aucun d’eux pour moi-même.