Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 2.pdf/307

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engendre en hiver quand les frimas ont dépouillé les forêts de leur verte parure, et que la force du froid a resserré toutes choses ; toutes les plantes dont le poison mortel est caché dans la fleur, toutes celles dont il faut tordre les racines pour en extraire les sucs malfaisants, Médée les tient entre ses mains. Cette herbe vient du mont Athos en Thessalie, cette autre du Pinde orgueilleux ; c’est sur les sommets du Pangée que celle-ci a laissé tomber sa tête encore tendre sous le tranchant de la faux. Une partie de ces plantes a été cueillie sur les bords du Tigre aux eaux rapides et profondes ; une autre, sur les rives du Danube ; une autre dans ces plaines arides où l’Hydaspe roule ses flots tièdes et pleins de diamants, et sur les rivages du Bétis qui donne son nom à la contrée qu’il arrose avant de décharger ses eaux tranquilles dans la mer d’Hespérie. Les unes ont été coupées avec le fer avant le lever du soleil ; les autres dans les ténèbres de la nuit la plus profonde ; celles-ci enfin sont tombées sous l’ongle enchanté de la magicienne.

Elle prend tous ces végétaux mortels, exprime le venin des serpents, y mêle le sang d’oiseaux funestes, le cœur du triste hibou et les entrailles vivantes de la chouette au cri lugubre. La cruelle magicienne réunit ces éléments divers, pénétrés du feu le plus actif et du froid le plus rigoureux. Elle ajoute à leurs poisons des paroles non moins redoutables. Mais j’entends le bruit de ses pas furieux ; elle prononce les évocations magiques, et le monde s’ébranle à ses premiers accents.