Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 2.pdf/323

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
Le chœur

Il faut éteindre cet incendie.

L’envoyé

Ce qu’il y a de plus incompréhensible dans ce malheur, c’est que l’eau même ne fait qu’irriter la flamme ; plus on veut l’arrêter, plus on étend ses ravages ; elle se fortifie par les obstacles mêmes qu’on lui oppose.

La nourrice

Hâtez-vous, princesse, de quitter ce séjour des Pélopides ; fuyez, cherchez un asile partout où vous pourrez.

Médée

Moi, fuir ! Si j’étais partie d’abord, je reviendrais pour ce spectacle. J’aime à voir la cérémonie de ce nouvel hymen. Ô mon âme, pourquoi t’arrêter ? Poursuis, après un si heureux commencement. Cette joie que tu goûtes n’est qu’une faible partie de ta vengeance. Tu aimes encore, insensée que tu es, si c’est assez pour toi d’avoir privé Jason d’une épouse. Il faut chercher pour lui un châtiment encore ignoré, qui sera pour toi-même un témoignage de ta puissance. Il faut briser les liens les plus sacrés, étouffer tout remords. La vengeance est peu de chose, quand elle ne laisse aucune tache aux mains qui l’exercent.

Ranime tes ressentiments, attise ta colère, et cherche dans le fond de ton cœur tout ce qui s’y est amassé de violence et de fureur. Que tout ce que tu as fait jusqu’ici paraisse juste et honnête à côté de ce que tu vas faire. Allons, il faut montrer combien légers, combien vulgaires sont les crimes que j’ai commis pour un autre. Ce n’était que le prélude et l’essai de mes propres ven-