Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 2.pdf/327

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d’avoir Jason pour père, et surtout Médée pour mère. Qu’ils meurent, car ils ne sont pas à moi ; qu’ils périssent, car ils sont à moi. Ils ne sont coupables d’aucun crime, d’aucune faute ; ils sont innocents : je l’avoue….. mon frère aussi, était innocent.

Mon âme, pourquoi balancer ? pourquoi ces pleurs qui coulent de mes yeux ? pourquoi ce combat de l’amour et de la haine qui déchire mon cœur et le partage dans un flux et reflux de sentiments contraires ? Quand des vents furieux se font une guerre cruelle, les flots émus se soulèvent les uns contre les autres, et la mer bouillonne sous leurs efforts opposés. C’est ainsi que mon cœur flotte irrésolu ; la colère chasse l’amour, et l’amour chasse la colère. Cède à la tendresse maternelle, ô mon ressentiment. Venez, chers enfants, seuls appuis d’une famille déplorable, accourez, entrelacez vos bras autour de mon sein ; vivez pour votre père, pourvu que vous viviez aussi pour votre mère. Mais la fuite et l’exil m’attendent. Bientôt on va les arracher de mes bras, pleurants et gémissants. Ils sont perdus pour leur mère ; que la mort les dérobe aussi aux embrassements paternels. Ma colère se rallume, et la haine reprend le dessus. La furie qui a toujours conduit mes mains les réclame pour un nouveau crime ; la vengeance m’appelle, et j’obéis.

Plût au ciel que mon sein eût été aussi fécond que celui de l’orgueilleuse fille de Tantale, et que je fusse mère de quatorze enfants ! Ma stérilité trahit ma vengeance. J’ai mis deux fils au monde, c’est assez pour mon père et pour mon frère. Mais où court cette troupe épou-