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caste, et que Sophocle a exprimés dans ces vers célèbres, traduits par Boileau, dans le Traité du sublime :

Hymen, funeste hymen tu m’as donné la vie ;
Mais dans ces mêmes flancs où je fus renfermé,
Tu fais rentrer le sang dont tu m’avais formé,
Et par là tu produis et des fils et des pères,
Des frères, des maris, des femmes et des mères,
Et tout ce que du sort la maligne fureur
Fit jamais voir au jour et de honte et d’horreur.

Voltaire préférait, à ce fatras du poète grec, ces deux vers de Corneille, qui résument si simplement et si énergiquement toute la destinée d’OEdipe :

Ce sont eux qui m’ont fait l’assassin de mon père,
Ce sont eux qui m’ont fait le mari de ma mère.

Nous sommes parfaitement de son avis, en faisant observer toutefois que ce passage est peut-être la seule tache de l’Œdipe Roi, pièce d’ailleurs si admirable, et qu’Aristote regardait comme la plus belle de tout le théâtre grec.

Page 109. C’est mon crime qui causé sa mort. C’est le langage de la douleur, et non pas de la raison. Jocaste n’est incestueuse qu’à cause de son fils, sans doute, mais OEdipe aussi n’est incestueux que par sa mère. Le crime est donc partagé, et chacun des coupables est puni pour sa part.

Vous, que la maladie accable. Voltaire, qui n’a pas su éviter le ridicule d’une intrigue d’amour, dans un sujet tel qu’OEdipe, s’est habilement tiré de la catastrophe dont Sénèque s’est plu à rassasier les yeux des spectateurs. Quelques vers lui suffisent pour raconter le châtiment d’OEdipe et les conséquences de cette expiation. Il vit, dit le grand-prêtre,

Et le sort qui l’accable,
Des morts et des vivans semble le séparer ;
Il s’est privé du jour avant que d’expirer.
Je l’ai vu dans ses yeux enfoncer cette épée
Qui du sang de son père avait été trempée,
Il a rempli son sort et ce moment fatal