Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 2.pdf/369

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comme un roi. Il faut remarquer aussi que Pyrrhus, qui tient ici le langage d’Agamemnon dans Racine, tient à son tour, dans l’Andromaque, celui que notre auteur prête ici à Agamemnon, de sorte que Racine doit au tragique latin plus qu’on ne croit communément.

Page 141. Il faut l’imputer à la colere, à la nuit. Voici comme Racine a imité et développé ce passage, Andromaque, acte i, scène 2 :

Tout était juste alors ; la vieillesse et l’enfance.
En vain sur leur faiblesse appuyaient leur défense.
La victoire et la nuit, plus cruelles que nous,
Nous excitaient au meurtre et confondaient nos coups.
Mon courroux aux vaincus ne fut que trop sévère.
Mais que ma cruauté survive à ma colère,
Que, malgré la pitié dont je me sens saisir,
Dans le sang d’un enfant je me baigne à loisir,
Non, seigneur, etc.

Sa louange sera dans toutes les bouches. Châteaubrun, dont l’œuvre est généralement faible, a cependant quelques morceaux qui ne manquent ni de force ni d’éclat. Le plaidoyer en faveur de Polyxène est bien senti et bien exprimé :

Honorez ce héros des titres les plus rares,
Mais pour mieux l’honorer faut-il être barbares ?

Et, plus bas, nous voyons éloquemment et poétiquement réfutée cette opinion que les hommes, après la mort, conservaient le souvenir de leurs haines, et les passions de la vie ; grande et belle idée, toute chrétienne, et qui n’a pas l’inconvénient, comme le chœur que nous trouvons à la fin de ce second acte, de renverser le dogme le plus sublime, le plus consolant, le plus propre à exalter l’âme humaine, l’espérance d’une autre vie. Ce passage nous paraît digne d’être cité.

Tous les hommes n’ont plus qu’une même patrie,
Sitôt qu’ils ont franchi les bornes de la vie.
La mort également les marque de son sceau.
La haine et l’intérêt meurent dans le tombeau ;