Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 2.pdf/397

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alors que la scène se passe dans un lieu tout-à-fait neutre, vague, indéfini.

Page 321. Mais je frémis. Ce passage prouve qu’il y a plus de nature et plus de sens qu’on ne le croit généralement dans les pièces de Sénèque. Le trouble de Médée, son cœur de mère, le doute qui vient à travers de sa résolution fatale, de cette vengeance qu’elle n’osait pas s’avouer à elle-même, sont aussi bien rendus que justement sentis. Voyez le calque de cette situation dans la Médée de Longepierre, acte iv, sc. 5 :

Quelque vive douceur qu’ait pour moi la vengeance,
Un trouble violent en secret la balance, etc.

Médée est encore ici la femme égarée qui voit le bien, l’ap- prouve, et ne peut faire que le mal ; tant elle est invinciblement dominée par sa passion !

Me rapit invitam nova vis, aliudque cupido,
Mens aliud suadet ; video meliora proboque,
Deteriora sequor…..
(Ovidius, Metam., lib. vii.)

Page 323. L’orgueilleuse fille de Tantale. Niobé, mère de quatorze enfans, qui périrent sous les flèches d’Apollon et de Diane.

Ma stérilité trahit ma vengeance. Médée ne veut pas dire qu’elle a été tout-à-fait stérile, qu’elle n’a point d’enfans, mais seulement qu’elle n’en a pas assez pour satisfaire sa vengeance.

Mais où court cette troupe épouvantable de furies ? Il ne faut que comparer ce passage avec les fureurs d’Oreste, au cinquième acte d’Andromaque, pour se convaincre que Racine a emprunté quelques traits à Sénèque.

Page 331. Proclame partout, sur ton passage, qu’il n’y a point de dieux. Jason parle ici comme toutes les âmes faibles et vulgaires pour qui le malheur est la pierre de scandale, et qui croient trouver, dans l’impunité des méchans, un argument invincible contre la providence. C’est une grande erreur, mais qui est jusqu’à un certain point justifiée en cet endroit, par la douleur d’un homme plus malheureux que coupable, et qui vient de voir égorger