Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 2.pdf/69

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frères, assemblage monstrueux , et plus incmnpréhensi- ble que le Sphynx, qu’il a vaincu ! O toi qui portes le sceptre d’une main sanglante, moi ton père,je poursui- vrai contre ta ville et contre toi la vengeance qui m’est due. J’amènerai les Furies pour présider à ton hymen, elles viendront avec leurs fouets retentissans. Je détrui- rai ta famille incestueuse ; j’écraserai ton palais sous le poids d’une guerre impie. Hâtez—vous de chasser du trône et de votre pays ce roi maudit. Toute terre dont il aura retiré son pied funeste se couvrira de fleurs et de verdure, au retour du printemps ; l’air deviendra pur ; les bois retrouveront la beauté de leur feuillage ; la mort, la peste, la destruction, la maladie, la corruption, la douleur, digne cortège qui l’accompagne , disparaîtront avec lui. Lui-même voudra précipiter sa fuite ; mais je saurai bien semer des obstacles sur sa route ct le rete— nir. On le verra se traîner à pas lents, incertain de sa voie, et chercher tristement son chemin avec un bâton, comme un vieillard. Otez—lui la terre, et moi, son père, je lui ravirai le ciel.

ŒDIPE.

La terreur a glacé mes sens. Tout ce que craignais de faire, on m’accuse de l’avoir fait ! et pourtant Mé— rope, toujours unie à Polybe, m’absout de cet hymen incestueux ; Polybe vivant me justifie du parricide qui m’est imputé. Contre l’inceste et le meurtre, j’ai, dans mon père et dans ma mère, un double témoignage. De quoi pourrait-on, encore m’accuseriJ Thèbes pleurait la mort de Laïus long-temps avant que mes pieds eussent touché le sol de la Béotie. Le vieillard s’est-il trompé ?